Saviez-vous qu’une pierre de porphyre rouge ayant une grande signification symbolique est conservée dans la basilique Saint-Pierre du Vatican ?

Si vous entrez dans cette basilique, au bout de la travée de la grande nef et à côté du portail central de la basilique, appelée “Porte de Filarete” – Filarete étant le nom de l’auteur – vous y verrez un cercle rouge au milieu de la nef. Il s’agit de la réputée rota porphiretica, une grande lause ronde de couleur rouge. On retrouve ce genre de pierre dans d’autres églises et basiliques romaines, dans lesquelles, elle fait partie des mosaïques de types cosmatesques, typiques des XIIIᵉ et XIVᵉ siècles de la ville de Rome. D’ailleurs, ce cercle rouge a une signification spéciale. La coutume révèle qu’elle appartient à la basilique Saint-Pierre construite au temps de l’empereur Constantin sur la sépulture de l’apôtre Pierre. Le cercle rouge est déjà mentionné au IXᵉ siècle, se situant en un endroit principal de l’ancienne basilique. La symbolique est dû à un événement important qui a eu lieu dans ce temple: le sacre de Charlemagne en tant qu’empereur le jour de Noël en l’an 800. La Vita Karoli Magni d’Eginhard dit que:

Idcirco Romam veniens propter reparandum, qui nimis conturbatus erat, ecclesiae statum ibi totum hiemis tempus extraxit. Quo tempore imperatoris et augusti nomen accepit. Quod primo in tantum aversatus est, ut adfirmaret se eo die, quamvis praecipua festivitas esset, ecclesiam non intraturum, si pontificis consilium praescire potuisset […].

 

Il s’est donc rendu à Rome pour rétablir la situation de l’Église, qui était plongée dans le chaos, et y est resté tout l’hiver. À cette époque, il fut gratifié du nom d’empereur et auguste. Au début, il en fut tellement contrarié, qu’il est allé jusqu’à dire, que ce jour-là même si cela était une célébration importante, il ne serait pas entré dans la basilique s’il avait connu quelles étaient les intentions du pontife […].

D’après le texte d’Eginhard, il apparaît que Charlemagne ne connaissait pas les intentions du pape Léon III, mais la vérité est qu’il imposa au monarque la couronne, ancien diadème impérial. De cette manière, il a pu unifié la couronne du roi franc à celle des empereurs romains. Et la pierre de porphyre, que vient-elle faire dans cette histoire ?

Il semble qu’à partir de ce couronnement, un rituel spécifique aux sacres impériaux fut établi, de sorte que l’Ordo romanus XLV, datant de la dernière décennie du IX siècle, instaura trois étapes configurant le sacre : preces, unctio i coronatio. L’empereur, accompagné des cardinaux-évêques des diocèses suburbicaire d’Albano et d’Ostie, fit son entrée solennelle dans la basilique. Le genou à terre, il reçut deux bénédictions et prières (preces), dont la seconde était « in medio rotae« , c’est-à-dire sur la « rota porphiretica”. Au pied de la confession de saint Pierre, l’empereur se prosterna et continua à prier à présent avec les litanies des saints. Il reçut par la suite l’onction (unctio) avec le chrisme sur l’épaule et le bras droits. Enfin, il se redressa devant l’autel, où le pape imposa le sacre (coronatio), puis entonna l’hymne Gloria in excelsis Deo et poursuivit par la célébration solennelle de la messe.

Ce rituel fut fixé à la fin du IXᵉ siècle et rétabli par l’empereur Otton I en l’an 962 – comme explique le Chronicon de Thietmar – et par son fils Otton II sept ans plus tard. Le dernier empereur à recevoir la couronne impériale fut Frédéric III en 1452 des mains du pape Nicolas V.

La rota porphiretica n’est donc qu’une protagoniste secondaire de cette histoire. Cependant sa existence est étroitement liée au symbole de la couleur rouge des empereurs romains d’Orient, et confère une continuité entre l’Empire romain et le Saint-Empire romain germanique, présent tout au long du Moyen Âge européen.

 

 

Daniel Piñol
Universitat de Barcelona

 

Bibliographie :

Blaauw, Sible de. Cultus et decor: Liturgia e architettura nella Roma tardoantica e medievale. Ville du Vatican: Bibliothèque Apostolica Vaticana, 1994.

Einhardi. Vita Karoli Magni [en ligne]. Edité par G. H. Pertz i G. Waitz. Hannover: Imp. Bibliopolii Hahniani, 1905. <https://archive.org/details/einhardivitakar00unkngoog/page/n105/mode/2up> [Consultation: 29 avril 2020].

Eginardo. Vita Karoli Magni = Vida de Carlomano [en ligne]: Edición bilingüe latín-castellano. Edité par Pablo J. Castiella. Saragossa, 2016 <https://www.academia.edu/24899199/Eginardo._Vida_de_Carlomagno_Vita_Karoli_Magni_._Edici%C3%B3n_biling%C3%BCe_lat%C3%ADn-castellano> [Consultation: 29 avril 2020].

Thietmari. Chronicon [en ligne]. Edité par Iohannes M. Lappenbergii. Hannover: Imp. Bibliopolii Hahniani, 1889. <https://archive.org/details/thietmarimersebu00thieuoft/page/276/mode/2up/search/Otto+I%2C+> [Consultation: 29 avril 2020].