Journaliste, historien, archéologue, conservateur des Antiquités et Objets d’Art (AOA) des P.-O. et du Palais des Rois de Majorque de Perpignan, membre correspondant de l’Institut d’Estudis Catalans de Barcelone (Secció Històrica-Arqueològica, 1973-1999), fondateur des Études Roussillonnaises et des Cahiers de Saint-Michel de Cuxa.

Historien unanimement loué de son vivant et à sa mort pour une œuvre d’une ampleur inégalée, entièrement dévouée à la connaissance du Roussillon médiéval, à l’étude et à la protection de son patrimoine archéologique et architectural, Pierre Ponsich est un homme au parcours personnel marqué par une fidélité profonde à son « petit pays », mais aussi à des idées régionalistes (« provincialistes ») et traditionalistes. Monté à Paris dans les années 1930 il y devient secrétaire particulier de Charles Maurras, en même temps qu’il prépare le concours de l’École des Chartes. Étudiant à l’École des Hautes Études, à la Sorbonne (inscrit en licence d’histoire et de lettres latines), il suit les cours libres de l’Institut Préhistorique du Prince de Monaco. Ses études universitaires sont interrompues par la guerre.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Pierre Ponsich réside à Sournia (P.-O.) et y fréquente l’instituteur et secrétaire de mairie, Louis Bassède, historien, archéologue et philologue, avec lequel il entretiendra dès lors une relation intellectuelle et amicale fondée sur un amour commun de la langue et de l’histoire catalanes. Pierrre Ponsich a alors l’occasion de visiter et d’étudier deux églises préromanes des environs, au sujet desquelles il publie un de ses premiers articles scientifiques d’histoire de l’art et d’archéologie médiévales. Il y cède à l’interprétation « mozarabe » avancée par Puig i Cadafalch, qu’il corrigera par la suite.

Passionné de préhistoire et d’archéologie, Pierre Ponsich avait entrepris en 1938 ses premières fouilles sur une nécropole protohostorique de Millas, travaux publiés par le Bulletin de la SASL en 1944 et surtout dans le premier numéro des Études Roussillonnaises, en 1951. C’est en 1948 que PP s’intéresse pour la première fois à l’histoire de l’art médiéval, en livrant son interprétation des  » deux églises mozarabes de Sournia « . Malgré quelques incursions dans la préhistoire ou vers des périodes plus récentes, PP s’est, de 1948 à sa mort, surtout occupé d’histoire, d’archéologie et d’histoire de l’art du Moyen Âge. Reprenant le titre d’une chronique qu’il avait inaugurée dans le Roussillon en mai 1944, PP fonde en 1951 les Études Roussillonnaises, qui jusqu’en 1957 publient ses propres articles mais aussi ceux de nombreux historiens et archéologues catalans ou roussillonnais (R. d’Abadal, A. de Pous, M. Durliat, etc.). Dans les trois premiers tomes de sa revue (1951-1953) il rend publics les résultats de quelques-unes de ses plus importantes recherches : la découverte de la chapelle de la Trinité à Saint-Michel-de-Cuxa, qu’il fouille et qu’il interprète en donnant une nouvelle lecture de la lettre-sermon de l’abbé Garsias, des études historiques de fond sur les origines et sur le domaine foncier de l’abbaye de Cuxa, et sur les comtes de Conflent et surtout, dans le tome III des ER, une étude exhaustive de Saint-Jean-le-Vieux, de la cathédrale et du cloître-cimetière de Perpignan qui fait encore référence. Il y publie aussi, sous le pseudonyme de Pere Pinya, de farouches prises de position en défense du patrimoine monumental, et il poursuit cette tâche dans une chronique régulière de L’Indépendant. Devenu Conservateur départemental des AOA en 1963, il fonde l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Artistique et Historique du Roussillon (ASPAHR) avec laquelle il participe aux travaux de l‘Inventaire général des Monuments et Richesses Artistiques. Il anime de 1965 à 1982 la Commission extra-municipale du Vieux Perpignan. Il défend avec passion ses positions, n’hésitant pas à critiquer les choix de restauration qui lui semblent erronés, par exemple au palais des Rois de Majorque, ou à Saint-Michel-de-Cuxa. « Conseiller » informel des architectes des Monuments Historiques, il sait aussi s’opposer à eux, ce qui ne l’empêche pas d’être par la suite nommé à la Commission supérieure des monuments historiques. Dans cette action déterminée il ne se connaît d’autres ennemis que ceux du patrimoine et les responsables politiques de tout bord reconnaissent sa sincérité et ses compétences. C’est grâce à lui et à ses combats, menés souvent sur plusieurs décennies, qu’est sauvée la chapelle Notre-Dame des Anges à Perpignan, que le bâtiment de la gendarmerie est démoli dans le cloître-cimetière Saint-Jean (« Campo Santo »), monument unique sauvé et restauré sous son contrôle, ou que les fresques de l’église de Casesnoves (Ille-sur-Têt) sont rapatriées de Suisse avec l’aide de Marcel Durliat. On pourrait allonger cette liste en pensant au cloître remonté de Saint-Génis-des-Fontaines ou à l’église des Grands Carmes de Perpignan sauvée de la destruction, et à tant d’autres monuments et œuvres mineures ou majeures préservées, restaurées ou réhabilitées grâce à lui. En prolongement de cette action, sous l’égide de l’ASPAHR, il suscite la création de l’atelier de restauration des œuvres d’art, financé par le Département, qui est devenu aujourd’hui un service à part entière du Conseil Général. Aux côtés de son ami Pierre Respaut (ancien chroniqueur du Roussillon), il fonde en 1967 l’Association Culturelle de Cuxa, qui organise les Journées Romanes, cycle de conférences publiées chaque années dans les Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa.

La reconnaissance publique de sa place éminente dans la culture et la société civile roussillonnaise se traduit dès 1973 par sa désignation comme membre correspondant de l’Institut d’Estudis Catalans de Barcelone. Le volume d’hommages réunis en son honneur en 1987 témoigne de sa carrière très riche et de la dette que lui reconnaissent anciens et jeunes chercheurs. Il dirige jusqu’à sa mort les Études Roussillonnaises ressuscitées à partir de 1987, où il accueille avec intérêt la nouvelle génération d’archéologues et d’historiens. Ponsich a donné entre 1985 et 1996 des contributions essentielles à une série de grands ouvrages collectifs : Histoire de Perpignan, Le Pays Catalan, Gran geografia comarcal de Catalunya, et surtout les volumes VII, XIV et XXV de la Catalunya Romànica où il publie de larges synthèses historiques et écrit l’essentiel des notices des monuments présentés, témoignant d’une connaissance quasiment exhaustive de l’histoire et des lieux de son pays. Il a réuni les matériaux nécessaires au volume VI (en deux parties) de la Catalunya Carolingia consacré aux comtés nord-catalans (Els comtats de Rosselló, Conflent, Vallespir i Fenollet), publié après son décès par les soins de Ramon Ordeig i Mata. La préface que lui consacre Anscari M. Mundó donne un récit vivant des contacts entre Ramon d’Abadal, puis A. M. Mundó lui-même, Antoni Pladevall et Pierre Ponsich pour mener à bien cette œuvre.

Pierre Ponsich fait ainsi figure, jusqu’à ses derniers jours, à la fois d’historien incontesté du Roussillon et de défenseur opiniâtre de son patrimoine. Il a favorisé, par son action publique et ses prises de positions courageuses, une prise de conscience profonde et durable de l’identité et du patrimoine catalan chez les autorités politiques, mais aussi dans une large part de la population de son pays, un public auquel il n’a cessé de s’adresser dans les colonnes des journaux et lors de multiples visites guidées et conférences aux quatre coins de son département. Paradoxalement, l’idéal auquel Ponsich a toujours été fidèle, un catalanisme culturel teinté de conservatisme catholique et politique – il fut membre fondateur du GREC (Grup Rossellonès d’Estudis Catalans)  – est entré en résonnance, dans les dernières décennies de sa vie, avec la dynamique de renaissance culturelle et linguistique de la Catalogne née dans la contestation du Franquisme et dont l’ouverture démocratique de l’Espagne a permis le succès, au sud des Pyrénées.

 

Aymat Catafau
Université de Perpignan Via Domitia

 

 

Bibliographie :

Parmi la masse impressionnante des 177 publications historiques, archéologiques et patrimoniales pour la période 1944-1999 on retiendra surtout ses nombreux articles aux Etudes Roussillonnaises et aux Cahiers de Saint-Michel-de-Cuxa, ses « Límits històrics i repertori toponímic dels llocs habitats dels antics “països” de Rosselló, Vallespir, Conflent, Capcir, Cerdanya, Fenolledès » (Terra Nostra, nº 37, 1980), ainsi que ses contributions à des ouvrages de référence : Histoire de Perpignan (dir. Philippe Wolff), Le Pays Catalan (dir. Jean Sagnes, Privat, 1985), Gran geografia comarcal de Catalunya (Gran Enciclopèdia Catalana, 19885), et surtout Catalunya Romànica (vol. VII, XIV et XXV, Gran Enciclopèdia Catalana, 1993-1996).

Compléments bibliographiques et biographiques :

Grau, Marie ; Poisson, Olivier (dir.). Études Roussillonnnaises offertes à Pierre Ponsich. Perpignan : Le Publicateur, 1980. [Hommages, éléments biographiques et bibliographie de la période 1944-1987].

Abélanet, Jean. « Hommage à Pierre Ponsich », Études Roussillonnnaises, t. XVIII, 2000/2001, p. 11-15.

Ponsich, Claire. «Bibliographie de Pierre Ponsich» (complément 1987-2000, avec index thématiques 1944-2001), ibidem, p. 17-44.

Sources :

Entretiens Pierre Ponsich – Pierre Grau ; Pierre Ponsich – Marie Grau ; témoignage Hélène Ponsich ; Archives du CSMH ; Médiathèque de Perpignan.