Borrell II de Barcelona

 

La figure du comte Borrell est une de celles qui font le plus débat dans l’histoire du monde carolingien. Son rôle dans la consolidation d’un pouvoir autochtone séparé des rois francs est un des thèmes récurrents entre les spécialistes. Nous avons parlé avec l’historien Jonathan Jarrett à propos du chapitre « El comte marquès Borrell II de Barcelona. Arquitecte involuntari de Catalunya? », qu’il a écrit dans le livre Vides catalanes que han fet història, édité par Borja de Riquer (Barcelone, 2020).

 

Le chapitre commence par expliquer que l’on a très peu écrit sur Borrell II. Quelle en est la raison ?

Je me le suis souvent demandé, parce que, d’une certaine façon, on pourrait dire que Borrell a conduit la Catalogne à la souveraineté. Je suis arrivé à supposer que n’importe quelle personne qui étudie Borrell pour des motifs patriotiques et qui cherche en lui la figure fondatrice de la Catalogne sera bientôt déçue, parce que Borrell n’a pas eu ce propos. En outre, même à son époque, sa réputation fut ternie par le pillage musulman de Barcelone de 985. Ce fut une tache dans son histoire qui, inévitablement, s’est prolongée dans l’historiographie. C’est pour cela, peut-être, qu’une grande partie des études récentes sur Borrell sont l’œuvre d’étrangers, qu’ils soient français (Jean Dufour, Michel Zimmermann), nord-américains (Paul Freedman, Cullen Chandler) ou britanniques (moi-même). De toute façon, je crois que si on analyse de plus de près les actions et la politique de Borrell – comme j’espère le faire dans un autre livre – on voit que sa politique prétendait maintenir les pouvoirs extérieurs à sûre distance, tandis que, en même temps, il leur faisait des promesses. En fait, il a été un leader beaucoup plus intelligent et capable que ce que peuvent faire supposer ses antécédents d’échecs – parfois y compris contre tous les pronostics.

 

Quelles ont été vos sources d’information ?

Il y a peu de témoignages narratifs sur Borrell. Il est mentionné, en passant, dans trois ou quatre chroniques arabes, dont la plupart sont postérieures à sa vie. Il apparaît aussi dans une chronique franque, plus contemporaine, où sont rapportés les voyages qu’il a fait avec le jeune érudit Gerbert d’Aurillac, le futur pape Sylvestre II. Cette information nous aide, mais une grande partie des sources — plus de 200 sur 222 registres — sont des chartes de transactions, presque toutes contenues dans la Catalunya carolíngia, un outil de recherche inestimable qui a été la base de ma recherche depuis mes études de doctorat. Ces documents, par ailleurs, nous donnent rarement beaucoup d’information, même si quelques-uns comprennent des citations littérales de Borrell – je l’ai développé dans mon livre Rulers and Ruled in Frontier Catalonia (Woodbridge [Suffolk], The Boydell Press, 2010). Pourtant, dans l’ensemble, le contenu de la documentation concerne des relations familiales, la propriété des biens, les relations avec des fidèles et compagnons, les interactions avec l’église et d’autres aspects de la vie médiévale. Jamais nous ne pourrons savoir comment était ou comment parlait Borrell, comment il s’habillait, ce qu’il aimait manger ou boire, et le plus souvent nous ne savons pas non plus où il se trouvait à chaque instant ; pourtant, sur la base des documents, on peut reconstruire partiellement sa vie.

 

Malgré le peu qui a été écrit sur lui, on lui attribue l’initiative d’avoir conduit la Catalogne vers l’indépendance. Vous avez dit, dès le départ, que cette hypothèse est une erreur. Pourquoi ?

Quand Hugues Capet (roi des Francs entre 987-996) a succédé au dernier roi carolingien, Louis V (986-987), il a envoyé une lettre à Borrell où il exigeait son obédience. On en conserve le texte dans la correspondence de Gerbert d’Aurillac, qui est celui qui a écrit la lettre au nom de Hugues Capet. Or, si on lit les bons ouvrages — ou, peut-être, les mauvais —, on peut en déduire que Borrell n’a pas répondu à cette lettre, soit parce qu’il n’en a pas vu l’utilité, soit parce qu’il a pensé que Capet n’était pas le roi légitime. De manière certaine, il n’existe aucun texte de réponse. Par ailleurs, le chroniqueur franc qui rapporte le voyage de Borrell en Languedoc, Richer de Reims, dit qu’Hugues Capet a essayé plus tard de persuader ses nobles pour qu’ils conduisent une armée vers le sud pour aider Borrell contre les musulmans et qu’il y avait une lettre de Borrell où il pronostiquait la perte de Barcelone dans quelques mois si l’aide n’arrivait pas. Les chercheurs plus patriotiques ont essayé d’argumenter que, en réalité, il s’agissait d’une lettre envoyée à Louis V ou à son père, Lothaire III, dont Hugues Capet avait hérité d’une certaine façon, mais cela me semble une hypothèse peu probable. La recherche de Jean Dufour sur les documents de l’époque montre clairement que Capet a été accepté comme comme roi – puisque les scribes devaient choisir le règne du roi par lequel dater le document – ; Adam Kosto, pour sa part, a publié récemment une charte qu’Hugues Capet a émise pour Sant Pere de Rodes. Je crois que Dufour a raison quand il suggère que l’acceptation d’Hugues Capet a probablement disparu quand il a été incapable d’apporter son aide, mais cela ne me fait pas penser que Borrell n’a jamais demandé d’aide. Barcelone continuait à se reconstruire, les armées d’Al-Mansur continuaient leurs attaques périodiques du nord chrétien et Borrell devait craindre que revienne bientôt le tour de Barcelone. À qui d’autre Borrell pouvait-il avoir recours ? En fin de compte ce fut l’échec d’Hugues Capet, et non le souhait de Borrell, qui a laissé Barcelone sans autre ressource que les siennes. Et alors, en une décennie, la grande machine militaire d’Al-Mansur s’est désintégrée et le fils de Borrell a conduit son armée jusqu’à Cordoue même ! Pourtant, Borrell ne l’a pas vu venir et il a protégé son peuple de son mieux. Comme sa politique avec les musulmans avait échoué, il a eu recours aux Francs. Ce choix infernal entre l’Espagne et la France est réellement le classique dilemme catalan. Et celui de Borrell n’a pas été, et de loin, le dernier gouvernement à y être confronté !

 

On attribue aussi à Borrell la réforme du système judiciaire dans le comté de Barcelone. Quelle relation a-t-il eue au cours de sa vie avec la justice ? Quels changements y a-t-il introduits ?

En fait, je ne suis pas encore sûr du rôle que Borrell a joué dans la réforme du système judiciaire des comtés catalans. C’est un thème sur lequel je suis encore en train de travailler et que beaucoup d’autres grands chercheurs ont aussi étudié — surtout le regretté Anscari M. Mundó, ainsi que Jesús Alturo et d’autres. Mes conclusions sont prudentes. Je me suis rendu compte que les magistrats instruits et les juristes qui rédigent les documents de la fin du X siècle autour du comté de Barcelone apparaissent d’abord à Besalú, sous le comte-marquis Oliba Cabreta, et non à Barcelone avec Borrell. Quelques-uns ont vite émigré à Barcelone. Je suppose que les opportunités étaient meilleures là – une grande ville suppose beaucoup de litiges – ou que Borrell a rapidement fait des tentatives pour acquérir quelques-uns de ces nouveaux symboles d’un gouvernement juste et bénéfique. Ces juges sont un phénomène particulier de la décennie 970 et je crois qu’il n’a pas bien expliqué. Cependant, de certains documents de Borrell se dégage effectivement sa préoccupation que justice soit faite dans ses terres. Lui-même était disposé à céder sur certains cas pour que ses verdicts soient acceptables, comme l’a démontré Josep Maria Salrach. Nous avons un document du comté de Barcelone dans lequel, ni plus ni moins, il punissait l’évêque Vives pour ne pas avoir pris de mesures contre un de ses hommes, qui avait été surpris en possession de fausse monnaie. Il est compliqué d’affirmer beaucoup plus sur les changements qu’il a introduits. Il est certain, donc, que Borrell voulait s’assurer que les meilleurs esprits juridiques de l’époque soient à sa disposition et que ses tribunaux aient la réputation de rendre une justice correcte. Aussi nous pouvons dire que, depuis la décennie 970 – si non avant –, il a délibérément recruté des juges pour atteindre ces buts

 

Borrell « supporte la honte », dites-vous, d’avoir été le gouvernant de Barcelone sous lequel la ville a subi l’assaut et le pillage de l’armée musulmane en 985. Quel rôle y a-t-il eu, à votre avis, et quelles conséquences cela a-t-il eu pour Barcelone ?

En réalité, je crois que Borrell a seulement commis deux erreurs pendant l’attaque musulmane de 985. Le comte devait être conscient que l’attaque se produirait, puisque le leader musulman déjà avait attaqué la zone en 978. Évidemment, il y avait peu d’espoirs que la diplomatie triomphe, bien que je sois sûr de sa tentative. Quand est arrivé l’attaque, il est sûr qu’il avait un plan tout prêt. Il devait avoir reçu nombre d’avertissements : un d’eux venu du réseau de forteresses des terres frontalières qui s’étendait jusqu’à des zones peu gouvernées. Ce réseau fut, en grande partie, l’œuvre de Borrell, comme on le voit dans ses donations de terres. Ainsi, quand l’armée musulmane a été aperçue pour la première fois, les signaux de feu ou autres ont dû transmettre la nouvelle vite à Barcelone. Borrell a eu le temps de convoquer des forces pour une expédition publique – nous avons le testament d’un homme qui y est mort – et de dire à la population locale de se réfugier à l’intérieur des murailles de la ville avec ses biens les plus précieux, ce que confirment aussi des documents postérieurs. Ce furent ses deux erreurs. L’expédition a été une erreur parce qu’elle ne pouvait rien faire pour arrêter l’assaut, puisque les forces musulmanes étaient très supérieures. Peut-être avait-il une stratégie. Si c’était le cas, elle a échoué, et il a eu de la chance de ne pas y perdre la vie, comme plusieurs hommes de son entourage. Se réfugier dans Barcelone a été l’autre erreur, parce que les musulmans ont franchi ses défenses, même si cela a affecté une partie de la ville plus restreinte que l’on ne pensait, comme il l’a suggéré Gaspar Feliu. La ville avait eu une défense adéquate en 978 et dans plusieurs occasions antérieures. Les Francs eux-mêmes avaient mis des mois à la prendre en 801. Ainsi, il n’était pas insensé de penser qu’elle était sûre. En définitive, nous devons admettre qu’il a fait un choix courageux : il a confié sa ville aux vicomtes et lui-même a affronté l’ennemi sur le champ de bataille, où les risques d’échec étaient très élevés. On ne reconnaît pas assez le mérite de Borrell essayant de repousser une attaque dont il n’avait aucune chance de triompher.

Quant aux conséquences pour Barcelone, beaucoup d’autres spécialistes en ont parlé, comme Michel Zimmermann et Gaspar Feliu, et je suis d’accord avec leurs opinions. Il est possible que les dommages matériels aient été plus petits, mais il est évident que beaucoup de personnes ont été tuées ou capturées. Beaucoup d’habitants ne sont jamais revenus, comme le démontrent les dispositions postérieures concernant leurs propriétés. D’autres sont revenus des années plus tard, comme le vicomte Udalard. Un des juges connus, Oruç, est revenu au bout de quelques mois et s’est consacré à racheter d’autres personnes. Le couvent de Sant Pere de les Puelles a perdu toute sa congrégation et ne l’a peut-être pas retrouvée. Il semble que les juifs de la ville se sont vus très affectés – et pas seulement par l’attaque musulmane. Les sources postérieures les font responsables du succès de l’attaque et il est possible que ce soupçon circule aussi dès cette époque, ce qui expliquerait que le comte Borrell et l’évêque Vives s’approprient de propriétés des juifs morts. Pourtant, en peu d’années il y eut à nouveau une prospère communauté juive dans la ville ; donc,  il est aussi possible que ces sources postérieures se trompent. Borrell a rétabli le couvent de religieuses de Sant Pere, à la tête duquel il a pu placer sa fille Adelaida.

Il devait aussi reconstruire les défenses de la ville. La rapidité avec laquelle la hiérarchie de la ville a pu reprendre ses fonctions me fait penser que le professeur Feliu a raison : le dommage matériel n’a pas été immense. Par contre, l’impact psychologique semble qu’il a été important : un document décrit le pillage comme « le jour que Barcelone est morte » et je suis d’accord avec l’article de Michel Zimmermann de 1980 («La prise de Barcelone par al-Mansûr et la naissance de l’historiographie catalane», dans L’Historiographie en Occident du V au XV siècle, Rennes, 1980, p. 191-218) qui suggère que ce fait, conjointement avec l’isolement politique dérivé de l’échec de la France à envoyer son aide, a fait que les gens pensent pour la première fois aux comtés de Catalogne comme à un ensemble avec une identité propre, bien que, en réalité, ils n’agissent pas ensemble avant des années.

 

Après la razzia de 985, quelle a été la tâche de Borrell à Barcelone ?

Donc, comme je l’ai dit, nous voyons quelques indices que Borrell s’est consacré à la reconstruction, surtout de Sant Pere de Puelles, mais nous voyons aussi qu’il a acquis les propriétés de certaines victimes. La tâche d’assurer ou, au minimum, de surveiller la frontière aussi semble avoir continué, plus visible dans la refortification et le repeuplement de Cardona, un bastion frontalier qui avait déjà été abandonné au moins deux fois. Pourtant, l’action principale que nous pouvons voir est, je crois, une réouverture du contact avec les rois francs.

 

Selon la documentation, quelle relation a eu Borrell avec les rois francs ?

Il est possible que Borrell ait rencontré un roi franc en une occasion, en 948, quand une ambassade s’est réunie avec Louis IV (936-954) pour résoudre une dispute à propos du monastère de Sant Esteve de Banyoles, qui dépassait les frontières du comté. Nous ne savons pas s’il y a été seulement représenté ou s’il y a participé en personne. On doit dire aussi que jusqu’en 985, Borrell a le moins possible de relations avec les rois : d’une part, parce qu’autres comtes y avaient de meilleures connexions (par exemple, le comté d’Empúries, que si trouve entre Barcelone et la France) et, de l’autre, parce que le sud musulman était une source évidente de dangers comme d’opportunités. Dans un article (« Caliph, King, or Grandfather: Strategies of Legitimization on the Spanish March in the Reign of Lothar III », The Mediaeval Journal, 1/2 [2011], p. 1-22), j’ai montré que, à la fin de la décennie 970, le roi Lothaire de France (954-986) faisait de nouvelles tentatives pour imposer sa volonté aux comtes catalans, qui étaient, en théorie, ses subordonnés. Borrell probablement ne voulait aucun contrôle de ce type. Malgré tout, certains documents attestent d’un renouveau des contacts. D’une part, en différentes occasions les ecclésiastiques continuent à aller au nord chercher des documents de confirmation des rois. Il y a aussi des documents de Lothaire, en 985 et 986, qui suggèrent cette reprise de contact, et dans la charte de franchises de Cardona, accordée en 987, Borrell se réfère à des actes royaux de Louis V (986-987), par conséquent nous savons que le contact a continué dans le court règne suivant. Pour cette raison, ce qu’affirme Richer de Reims quand il dit que Borrell avait écrit à Hugues Capet me semble assez plausible – bien que, à la fin, Hugues n’ait pu l’aider ; son armée n’est jamais arrivée au sud et je suppose que Borrell, à un certain moment, a arrêté de demander.


Vous écrivez aussi dans ce chapitre du livre que le comte Borrell a entretenu les relations extérieures de Barcelone. De quelle façon ? A-t-il été le premier comte à le faire ?

La réponse dépend de ce que l’on comprend par « extérieur » à Barcelone. Les comtes de Barcelone avaient coopéré avec les comtés de Besalú, Urgell, Cerdanya et Empúries, en plus ou moins grande mesure, depuis l’époque de Guifred le Velu, et normalement ils gouvernaient aussi à Girona et à Osona. Cependant, tandis que la famille de Guifré provenait probablement de Carcassonne, pour Borrell Carcassonne était un territoire étranger. Avant la naissance de Borrell, sa famille avait déjà des relations à l’étranger : les filles se mariaient à la famille vicomtale de Narbona, et les filles de cette union, avec la ligne comtale de Toulouse. Ce fait, cependant, ne semble pas avoir affecté la politique. Pourtant, Ramon d’Abadal déjà a détecté à juste titre une évolution vers des relations extérieures plus actives à partir de la décennie 950. Par exemple, furent envoyées des ambassades à Cordoue – par pue nécessité – et furent aussi établis de nouveaux contacts avec la papauté. Naturellement, les contacts de Borrell avec la papauté ont été précédés par les relations d’ecclésiastiques, et aussi par ses cousins comtaux Miró Bonfill et Oliba Cabreta, qui sont allés au Saint Siège séparément avant le comte Borrell lui-même. Dans un article de 2010 (« Archbishop Ató of Osona. False metropolitans on the Marca Hispanica », Archiv für Diplomatik: Schriftgeschichte, Siegel- und Wappenkunde, 56 [2010], p. 1-42), j’ai affirmé que, quand Borrell y alla, sa mission fut, en fait, un échec !

Un autre fait qui atteste les contacts de Borrell et qui est passé inaperçu de la critique est la mission de Borrell vers le nord pour chercher une épouse et lors de laquelle il a rencontré Gerbert d’Aurillac, à qui il a dit d’aller étudier à Vic. Si un des élèves de Gerbert n’avait pas mis par écrit cette mission, nous n’aurions pas eu connaissance de la possible origine franque des comtesses. Peut-être ces voyages étaient-ils assez habituels, mais il est clair que tous n’ont été aussi fructueux que celui-ci, qui a recruté un futur pape, qui, à son tour, eut comme élève le chroniqueur Richer de Reims !

Un autre problème que nous recontrons pour pouvoir apprécier ces contacts avec l’extérieur est le manque de sources, qui n’augmentent pas jusqu’en 940 et 950. Avant cette période, le travail des historiens est rendu plus difficile.

 

« On peut dire qu’il a montré de l’astuce, de l’énergie et de la détermination et que, malgré les faits négatifs que nous avons mentionnés, quand il est mort, ses comtés étaient plus riches et splus ûrs, mieux organisés et avaient une administration de la justice meilleure que quand il en avait hérité » (p. 101)

Celle-ci est votre conclusion sur le gouvernement de Borrell. A-t-il fait un bon travail ? A-t-il été, donc, comme le dit le titre du chapitre, l’architecte involontaire de la Catalogne ?

Il est beaucoup plus simple de dire que Borrell a été l’architecte de Barcelone que de la Catalogne et, en fait, d’Osona, d’Urgell et de Girona, bien que là il ait eu à partager éventuellement le pouvoir avec le comte-évêque Miró Bonfill. Il est facile d’affirmer aussi que son action a inclus une évolution positive pour ses territoires quant aux aspects judiciaires, ecclésiastiques, administratifs et défensifs, bien qu’il n’ait pas pu se défendre de la Cordoue musulmane. Je ne crois pas qu’il ait travaillé à unir les comtés vers une direction politique commune ; en fait, il a affronté une fois ses cousins de Besalú et il a perdu. C’est pour cette raison que, dans le titre de mon chapitre, j’ai choisi le mot involontaire. Ses efforts pour rivaliser ou progresser contre ses cousins, pour étendre son territoire et pour trouver de nouvelles formes de le gouverner, ont probablement établi les bases – à long terme – des systèmes de gouvernement utilisés ensuite par des comtes et les rois et ils ont permis à son fils d’attaquer Cordoue entre 1010 et 1018. En outre, en sécurisant la frontière  – bien que ce fût seulement partiellement –, il protégeait les comtés qui se trouvaient à l’intérieur, même si ce n’étaient pas les siens. Pourtant, c’étaient des stratégies que ses parents et voisins pouvaient apprendre de lui, comme lui aussi les apprenait d’eux. Si Borrell a aidé à bâtir la Catalogne, cela a été un résultat accidentel de sa tâche principale, qui était le gouvernement de ses terres. Je crois que la Catalogne peut continuer à être fière de lui. Pourtant, il s’étonnerait peut-être de l’existence de la Catalogne !