Cette année est commémoré le cinquantième anniversaire de la mort de l’historien Ramon d’Abadal i de Vinyals (1888-1970), qui fut le moteur principal du projet Catalunya Carolíngia de l’Institut d’Estudis Catalans. L’œuvre réunit et publie tous les documents référents à la Catalogne du VIIIe au Xᵉ siècle, un corpus capital pour mieux connaître l’histoire de l’Europe occidentale. CATCAR trouve son origine dans cette recherche, qui devint le projet de toute une vie pour Ramon d’Abadal.

L’exposition « Ramon d’Abadal i de Vinyals. Investigador de la nostra història » parle de sa production très étendue et de sa trajectoire d’historien, d’homme politique et de journaliste. Elle a été présentée au Museu Episcopal de Vic pendant le mois de novembre et on la peut voir actuellement à la Sala de Cultura de l’Ajunatament de Gurb. Nous avons visité l’exposition et nous avons parlé avec son commissaire, l’historien et professeur de l’Universitat de Vic Santi Ponce i Vivet. Nous ont accompagné Conxita Mas, parente de Ramon d’Abadal, et Lluís Cerarols Cortina, directeur des Serveis Territorials a la Catalunya Central del Departament de Cultura de la Generalitat de Catalunya.

Abadal, un historien positiviste

Santi Ponce nous guide dans l’exposition avec tranquillité, d’une voix sûre, les yeux pleins de passion quand il parle d’Abadal, qu’il décrit comme « un homme intelligent, tenace et travailleur ». Quand nous lui demandons ce qui ressortirait de l’héritage de l’historien, il n’a pas une seconde d’hésitation : « Il fait une histoire des faits, c’est un positiviste. Il introduit une histoire rationnelle, objective, affranchie de la politique. »

Les apports de Ramon d’Abadal à la connaissance des origines de Catalogne sont décisives et reconnues partout. Entre 1910, quand est paru son premier article d’historien, et jusqu’en 1970 il a publié une soixantaine de travaux, tant livres qu’articles, la plupart consacrés aux IX et X siècles : « Abadal met en lumière une période obscure de notre histoire, qui n’était connu qu’à travers les légendes. Cent ans ont passé et son œuvre continue à être fondamentale. Nous avons une grande quantité de documents autour de l’an 1000 et il les a exploités, il a dessiné toute l’histoire de la naissance de Catalogne. »

Et de tout ce travail d’interprétation de textes, quel récit est sorti ? Santi Ponce explique qu’il a apporté une idée fondamentale sur nos origines : « D’abord a existé la construction politique de Catalogne et après sont nées l’identité, la langue, la conscience collective. Ceci fut un procès lent ; il n’y a pas un moment constitutif de la nation catalane. »

 

 

Son œuvre, un héritage sans précédent

L’exposition fait une révision de la production de l’historien, en mettant l’accent sur une de ses œuvres : « Nous mettons un peu l’accent sur un de ses livres, Els primers comtes catalans, que lui avait commandé Jaime Vicens Vives, où justement Abadal synthétise les œuvres qu’il a écrites tout au long de sa vie. »

Une autre œuvre qui y prend place est la Catalunya Carolíngia, le grand projet de sa vie. À l’époque de la Seconde République espagnole Abadal se trouvait immergé dans le travail sur ces textes. Le début de la Guerre Civile l’a obligé à s’exiler. Pendant ce temps, sa maison de Barcelone a été pillée et partiellement brûlée. Les fiches, les notes, les caisses avec les transcriptions de documents et les textes originaux manuscrits de l’œuvre ont été détruits. Abadal a refait tout le travail perdu et il a construit un récit sur la domination carolingienne en Catalogne qui aujourd’hui est complètement valide : « Il était conscient de l’importance de mettre en lumière une période de la Catalogne dont on savait bien peu de chose. Pour cela, il est a transcrit et étudié tous les recueils d’actes qu’il a trouvé dans les centres de documentation et aussi s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas obtenir ce travail. Il a donné les règles qui fallait suivre pour travailler dans cette œuvre grande qui est la Catalunya Carolíngia, une œuvre qu’il a tardé cent ans à se compléter. »

 

 

 Son esprit noucentista

Les années de formation aident à comprendre sa trajectoire : « Sa formation a été exceptionnelle. Il a étudié droit, il a fait le doctorat à Madrid et il s’est formé à Paris comme historien médéviste, avait une formation européenne très solide et il était poliglot. Il représente un peu l’esprit des hommes du Noucentisme. Il s’agit d’une élite très bien formée pour continuer un projet de pays. C’est le moment de création de l’Institut d’Estudis Catalans. »

L’exposition témoigne ces premières étapes « parce qu’ils aident à comprendre la vocation d’historien de Ramon d’Abadal, malgré s’avoir formé comme avocat ». Deux facettes professionnelles, qui se sont complétés : « Sa formation de droit lui a permis comprendre plus toutes les procédures, et il a lu entre des lignes les documents légaux carolingiens. »



La visite aussi nous permet voir des documents qui nous parlent de ses mérites et de son lien avec les académies : « Tout reste très bien représenté dans la correspondance. Il s’écrivait avec les principaux studieux du moment, du monde entier. Ramon d’Abadal vain au delà de la Catalogne. Il a une projection internationale. »