Le volume de documentation réunie dans la collection «Catalunya Carolíngia» dépasse les quatre mille unités, une quantité immense si nous pensons à sa chronologie (IXᵉ et Xᵉ siècles) et au petit territoire qui l’a produite. Toute cette documentation ne nous est pas parvenue en parchemins originaux, mais une bonne partie oui, puisque deux mille deux cents documents sont des originaux. Il est évident, donc, que presque la moitié de la documentation nous est arrivée sous forme de copie ou d’analyse, ce qui a fait que les copies et les analyses aient pris une grande importance comme seuls témoins de quelques textes qui, peut-être, sont définitivement perdus, ou bien qui n’ont pas encore été localisés. En vérité, la documentation catalane des IXᵉ et Xᵉ siècles ne peut pas être considérée comme finie : aujourd’hui encore apparaissent des documents de l’époque carolingienne dans des catalogues de fonds des archives publics et il est clair qu’il y en a beaucoup dans des archives patrimoniales d’accès difficile ou aux mains de particuliers, collectionneurs, antiquaires ou d’institutions scientifiques. Souvent, nous avons connaissance qu’est mise en vente aux enchères une charte et qu’une institution prestigieuse l’a achetée, qui immédiatement la met à la disposition de la communauté scientifique, mais nous savons aussi que, dans d’autres cas, des documents finissent aux mains de particuliers qui empêchent que l’on puisse y avoir accès.
Dans les derniers mois, nous avons eu des nouvelles d’un petit fond de quinze parchemins qui ont été catalogués récemment à l’Arxiu Històric Comarcal del Baix Camp, dont une partie est liée au monastère de Casserres. Leur existence était connue à travers les analyses du Llibre de rendes de Casserras en Vich y Gerona, de 1787, conservé à l’Arxiu Comarcal d’Osona, ce qui avait permis d’éditer ces résumés dans les volumes consacrés aux comtés d’Osona et Manresa.
Récemment, le docteur Rowan Dorin, professeur-assistant du Département d’Histoire de l’Université de Stanford, en Californie, nous a indiqué que l’original du document 470 du volume VII de la collection Catalunya Carolíngia (volume consacré au comté de Barcelona), qui avait été publié à partir d’une transcription de J. Areny Plandolit faite à la fin du XIXᵉ siècle et que l’on considérait comme perdu, avait été identifié au printemps passé par un jeune chercheur de cette université parmi les Specials Collections de sa bibliothèque. Ce document avait été acquis en 1981 chez William H. Allen, Rare Books and Manuscripts, en Pennsylvanie. Disposer maintenant de l’original a permis en lire correctement la date («IIIIX kalendas madii» au lieu des «IIII kalendas madii» qui figurent à la copie de Plandolit). Le professeur Doris nous aussi a appris que Stanford avait acquis, au mois de juin passé, dans une vente aux enchères chez Christie’s, une donation de biens situés en Cerdagne pour le monastère de Sant Sebastià del Sull, du 26 octobre 965. Ce document n’a pas encore reçu sa cote définitive.
On savait que le premier avait fait partie de la collection de l’industriel allemand Otto H. F. Vollbehr, où il était encore en 1935, à l’Hay-Adams House, à Washington, mais on ignore dans des mains de qui il s’est trouvé entre cette année et le moment où il a été acquis par Stanford. Le professeur Dorin nous rapporta que le second se trouvait, avant être acheté par l’université californienne, à la Schøyen Collection, conservée à Londres et Oslo.
Ce ne sont pas les seuls cas de parchemins carolingiens catalans qui se trouvent dans des mains d’institutions étrangères. Il est intéressant de constater, comme nous venons de voir, que beaucoup de chartes ont changé de mains et, parfois, les intérêts commerciaux d’antiquaires et collectionneurs qui y sont liés.
Ignasi Baiges
Universitat de Barcelona