‘Musica enchiriadis’, Staatsbibliothek Bamberg, Msc.Var.1, f. 57r.

 

Charlemagne était un homme intéressé par la culture et il l’a bien montré dans sa cour, avec la création d’un milieu favorable aux intellectuels et avec la rénovation de l’enseignement. L’Église, comme dépositaire de la tradition classique et chrétienne, est l’institution qui s’est impliquée dans le projet culturel carolingien, même si elle ne l’a pas fait seulement pour rendre service à l’Empire. Le clergé était entré dans une décadence intellectuelle notable et il fallait revoir la formation des prêtres et la vie liturgique.

L’empereur a compris que l’uniformisation de la liturgie pouvait être le miroir de l’unité de l’Empire : pour cela, il fallait former les clercs destinés à l’action pastorale. En fait, cette réforme, qui finit par conduire à l’adoption du rite romain partout, avait commencé dès l’époque de Pépin III, avec la Regula canonicorum (ou “Règle des chanoines”) de Chrodegang, évêque de Metz, l’an 755, qui a imposé la vie en commun des clercs et l’étude des Saintes Écritures et des œuvres des pères de l’Église, fondamentales pour la prédication et la pastorale. Pendant les années centrales du VIIIᵉ siècle, la cour de Pépin était fréquentée par des ecclésiastiques instruits, surtout originaires de l’abbaye de Saint-Denis, où le monarque s’était formé. Mais il y avait aussi des clercs et des évêques venant de Rome. À la cour existaient donc d’intenses échanges culturels et politiques qui ont posé les bases du projet culturel et scolaire de Charlemagne.

L’empereur d’Occident aussi a promu le perfectionnement de l’Administration publique. Il été nécessaire des fonctionnaires experts dans l’écriture et dans la redaction de documents. Les maîtres qui ont fait leur apprentissage à la cour ont été Alcuin, Paul Diacre, Pierre de Pise, Dungal, Théodulf et Benoît d’Aniane. De tous ces personnages, peut-être le plus lié à l’enseignement a été Alcuin, recteur de l’école de York, qui a été envoyé par Charlemagne dans  les centres culturels les plus importants d’Europe. De cette façon, à la cour d’Aix-la-Chapelle, fut instaurée une école avec des magistri (“maîtres”) venus de partout, mais aussi des copistes, des chanteurs et notaires avec qui les fils de l’aristocratie franque apprenaient l’écriture, le chant et la pratique documentaire.

Tout cela prit corps avec l’Admonitio generalis, dictée par Charlemagne en 789 et envoyée à tous ceux qui avaient des responsabilités de gouvernement dans le royaume, y compris les autorités épiscopales et abbatiales. On y prescrivait l’enseignement des psaumes, le chant liturgique, le calcul et la grammaire. On y imposait que les livres à étudier fussent sans erreurs et, pour cela, on ordonnait aux copistes d’être attentifs quand ils copiaient les manuscrits, surtout pour les copies de la Bible et des textes des pères de l’Église.

 

Les maîtres et les élèves

Les maîtres étaient appelés scholasticus, mais aussi d’autres noms comme primus scholasticus, primicerius scholasticus, provisor scholae, caput scholae (d’ici vient le nom catalan du cabiscol, le chanoine chargé de l’école), magister scholae, rector scholarum, magisteri scholaris, magisteri… Mais les sources parlent aussi de preceptor, pedagogus, doctor, imbutor, eruditor, grammaticus…. Ces noms indiquent-ils qu’il y avait une spécialisation des maîtres ? Sans doute pas. En chaque lieu, on employait un nom différent pour désigner une personne qui avait la fonction d’instruire les enfants. Les étudiants étaient appelés discipuli, scholares, scholastici, alumni… On différenciait les pueri (enfants de jusqu’à quinze ans) des adolescentes (enfants de plus de quinze ans).

La plupart des enfants entraient à l’école vers sept ans, bien qu’il semble que dans certains monastères irlandais, en dehors du contexte politique franc, on ait eu des enfants d’un ou deux ans qui entraient dans les monastères. Dans le domaine monacal, les enfants étaient accueillis gratuitement, même si, selon le niveau de fortune des parents, ceux-ci payaient des sommes variables aux monastères. Dans les écoles était observée la discipline et, même, le silence, de sorte que les élèves communiquaient avec les maîtres, hors des heures de classe, par signes. Et s’il fallait punir les élèves, on utilisait le fouet pour taper les individus indisciplinés qui perturbaient l’ordre et le silence

 

Les salles de classe et les matières

Les leçons étaient données dans une salle d’étude, avec des meubles adaptés pour s’asseoir, comme des sortes de tabourets (scabella, trunci) placés autour de la chaise du maître (solium). Là, le garçon commençait en apprenant les lettres de l’alphabet, puis les syllabes. Comme moyen mnémotechnique, les enfants copiaient les psaumes et ils apprenaient aussi à tracer les lettres sur des tablettes.

Les notions musicales étaient mises en pratique dans les messes liturgiques, en entonnant les hymnes, les antiennes et autres cantiques.

On apprenait aussi la grammaire latine, qui était mise en pratique à travers la comunication orale entre élèves et maîtres, qui devait se faire en latin. Pour s’habituer à parler cette langue, le maître proposait de petits textes extraits des Distiques de Caton, qui étaient d’habitude de petits proverbes et des fable.

À l’école élémentaire, après la lecture, l’écriture et le chant, venait le calcul (calcula peritia), fondamental pour les moines pour bien administrer les biens des monastères et bien contrôler les revenus que générait ce patrimoine.

La réforme de Charlemagne a été ambitieuse, mais, quand il est mort, le nombre d’écoles était encore modeste. Ce fut son fils Louis le Pieux qui continua son œuvre. Il a réuni une riche bibliothèque de textes classiques et en 817 il a dicté l’Institutio Aquisgranensis, où il a établi que des clercs qui n’étaient pas des chanoines puissent aussi étudier dans les écoles cathédrales.

 

 

Daniel Piñol
Universitat de Barcelona

 

Bibliographie :

Paul, Jacques. Culture et vie intellectuelle dans l’Occident médiéval: Textes et documents. Paris : Armand Colin, 1999.
Riché, Pierre. Écoles et enseignement dans le Haut Moyen Âge. Paris : Aubier Montaigne, 1979.
Rosso, Paolo. La scuola nel Medioevo: Secoli VI-XV. Roma : Carocci editore, 2018.
McKitterick, Rosamond. Charlemagne: The Formation of the European Identity. Cambridge : Cambridge University Press, 2008.